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Caries, gingivites, abcès...Que faire face aux infections bucco-dentaires?

Une première gingivite, qui se traduit par l’apparition d’un saignement au brossage, est encore réversible avec un nettoyage correct des dents VadimGuzhva - stock.adobe.com

INFOGRAPHIE - Savoir reconnaître ces maladies dès les premiers signes permet de d’empêcher ou de ralentir leur progression.

Les deux plus fréquentes des pathologies dentaires, la carie et la maladie parodontale, résultent d’une infection bactérienne. Mais il s’agit de maladies différentes. «On peut avoir des caries sans maladie parodontale, ou inversement, insiste le Pr Géraldine Lescaille, odontologue (Pitié-Salpêtrière, Paris). De plus, nous ne sommes pas égaux devant elles. Du fait de susceptibilités individuelles et familiales, certaines personnes développeront plutôt des caries, d’autres plutôt une maladie parodontale.» Mal soignées, elles peuvent être à l’origine de complications parfois sévères. Or la prévention de ces infections bucco-dentaires est encore loin d’être optimale.

Leurs mécanismes infectieux sont différents, tout comme les bactéries qui en sont responsables. La bouche abrite plus de 700 espèces bactériennes, normalement en équilibre, en symbiose dans l’environnement buccal, dont la salive, par son rôle de tampon, contribue à réguler les fluctuations.

La carie dentaire, liée à l’excès de sucres

Dans la carie, certaines bactéries, surtout des streptocoques, dont les apports sucrés et acides favorisent la croissance, attaquent l’émail de la dent, puis la dentine. Si l’infection progresse, elles pénètrent dans la pulpe, la partie vivante, vascularisée et innervée de la dent, qui se nécrose, et la dent meurt. Ces bactéries vont coloniser cette partie morte jusqu’à l’apex, l’extrémité de la dent, où elles peuvent provoquer un abcès dentaire qui est une surinfection de la dent. D’où l’importance d’une dévitalisation, d’un nettoyage et d’une obturation rigoureuse du canal dentaire.

« Au collet de la dent, une fine membrane attache celle-ci à la gencive. Si un brossage n’élimine pas suffisamment les bactéries , elles vont se multiplier, favoriser l’arrivée d’autres bactéries »

Pr Martine Bonnaure-Mallet, odontologue et microbiologiste (CHU et Inserm Rennes).

Dans certains abcès, l’extraction de la dent peut se révéler nécessaire. «Mais des abcès peuvent aussi avoir pour origine une infection du parodonte alors que la dent est normale, ou une dent mal positionnée», précise le Pr Lescaille. L’abcès non traité peut même s’étendre aux tissus voisins: «L’infection peut gagner la joue et provoquer une cellulite. Cette infection loco-régionale est une complication rare, mais potentiellement très grave: on peut mourir d’un abcès dentaire mal soigné, qui peut être à l’origine d’un abcès cérébral, d’une ostéite si l’infection gagne l’os de la mâchoire, ou d’une thrombophlébite par dissémination veineuse de l’infection.»

La carie évoluée, l’abcès dentaire sont d’ordinaire si douloureux qu’ils conduisent chez le dentiste. Mais nous ne sommes pas égaux face à la douleur, et cette dernière, fluctuante, peut s’effacer quand l’infection devient chronique, réapparaissant plus ou moins lors des poussées.

La maladie parodontale, silencieuse et irréversible

Contrairement à la carie, la maladie parodontale, qui survient vers 50 ans, n’est pas douloureuse et peut évoluer sans bruit jusqu’à ce que les dents se déchaussent. «Au collet de la dent, une fine membrane attache celle-ci à la gencive. Si un brossage efficace n’élimine pas suffisamment les bactéries qui colonisent ce sillon, elles vont se multiplier, favoriser l’arrivée d’autres bactéries, et cette colonisation va détruire progressivement cette membrane. D’où le caractère irréversible de la maladie parodontale», explique le Pr Martine Bonnaure-Mallet, odontologue et microbiologiste (CHU et Inserm Rennes).

Ces bactéries s’organisent spontanément en un biofilm qui forme la plaque dentaire. «La seule façon de casser suffisamment ce biofilm résistant, c’est de se brosser les dents au moins deux fois par jour pendant 2 minutes, et de nettoyer l’espace interdentaire à la brossette. Le premier signe qui doit alerter, c’est l’apparition d’un saignement au brossage. Cette gingivite initiale est encore réversible avec un brossage correct.» Le détartrage régulier et le polissage des dents diminuent aussi l’adhésion bactérienne.

Slon une étude, si 64% des gens ont vu le dentiste dans l’année, seule la moitié le fait tous les ans, ce qui devrait être la règle

«Si ce saignement persiste, il faut absolument voir un dentiste», insiste l’odontologue. Autre signe d’alerte, une mauvaise odeur dans la bouche. «Mais les gens consultent souvent trop tard, quand les dents deviennent mobiles, qu’il ne nous reste littéralement qu’à les cueillir…» D’où l’importance d’une consultation dentaire une fois par an pour contrôler l’état de la bouche. Or, selon une étude, si 64% des gens ont vu le dentiste dans l’année, seule la moitié le fait tous les ans, ce qui devrait être la règle.

Le diagnostic, tant de la carie que de la maladie parodontale, repose sur l’examen clinique et sur l’imagerie, qui propose des scanners dentaires beaucoup plus précis et moins irradiants, les «cone beams», utiles surtout dans la détection de fractures de dents, la recherche de foyers infectieux ou la mesure précise d’une carie. Carie, abcès ou maladie parodontale, quand l’infection le justifie, un traitement antibiotique est instauré. «Il fait appel à des antibiotiques à spectre large comme l’amoxicilline. Des recommandations fixent pour chaque catégorie de patients et chaque acte le protocole à suivre en prévention ou en traitement d’une infection dentaire, ou avant certains actes médicaux ou chirurgicaux, précise le Pr Lescaille. La bouche fait autant partie du corps que tout le reste, d’où son importance comme porte d’entrée potentielle d’une infection.»


Une bonne hygiène aussi pour les implants

Quand il est trop tard pour sauver la ou les dents, reste le recours à la prothèse, et de plus en plus souvent à l’implant. «Mais les patients qui ont perdu leurs dents à cause d’une maladie parodontale sont les plus à risque de complications et d’infections péri-implantaires, parce que l’implant se fait dans un tissu cicatriciel à faible potentiel de cicatrisation et qui réagit moins aux mesures de régénération. Ils risquent donc plus de perdre les implants…», indique le Pr Monnet-Corti, odontologue (CHU Marseille).

Lors de la pose d’un implant pour remplacer une dent manquante, l’os maxillaire est foré pour y implanter une racine artificielle en alliage de titane. Cet implant, intégré en profondeur dans l’os, est recouvert en surface par la gencive, mais une gencive cicatricielle, sans ligament, peu vascularisée… «C’est à cet endroit que peuvent se développer des infections. Ces infections péri-implantaires ne font pas mal, et souvent l’infection est découverte à cause d’une mauvaise odeur dans la bouche, de petits saignements au brossage, parce que la gencive s’est beaucoup rétractée et laisse apparaître l’implant, ou encore parce que ce dernier bouge…» Le processus infectieux est donc assez comparable à la parodontite classique. «Ce sont probablement les mêmes bactéries, mais il n’y a pas encore de consensus sur la prise en charge de ces infections péri-implantaires», explique le Pr Monnet-Corti.

Il n’y a pas de garantie de pérennité de l’implant à la mesure d’une espérance de vie de 80 ans

La mauvaise hygiène de vie, les facteurs généraux d’aggravation comme le tabagisme ont les mêmes effets favorisants sur les péri-implantites que dans la maladie parodontale. «À cela s’ajoute un facteur temps: quand on pose un implant à un jeune rugbyman qui s’est cassé la dent à 25 ans, il va ensuite être suivi, ou pas: quarante ans plus tard, son squelette a bougé, il peut avoir développé une obésité, un diabète, s’être mis à fumer…», précise le spécialiste.

Il n’y a pas de garantie de pérennité de l’implant à la mesure d’une espérance de vie de 80 ans. Sauf en Suède ou dans certains États américains où les patients voient systématiquement leur dentiste tous les six mois durant toute leur vie, et où la prévention de ces péri-implantites peut être très efficace. La visite au moins annuelle est donc là encore impérative.

Les infections consécutives à un geste d’implantologie sont assez rares en France, estime l’odontologue. «Cette rigueur n’est pas forcément toujours à la hauteur dans les pays qui drainent des patients parce que le coût des actes d’implantologie y est moindre. Mais surtout, le risque tient beaucoup à l’absence de suivi. Bien sûr, nous sommes tenus de recevoir ces patients. Mais le souci vient de ce que nous ne savons pas quels implants, quels matériaux ont été utilisés, avec aussi des problèmes de responsabilité médico-légale qui font que nous déconseillons cette solution.»


Une influence globale sur la santé

Les relations entre santé bucco-dentaire et santé globale sont pour certaines bien identifiées. Le passage dans le sang de streptocoques buccaux qui vont se fixer sur les valves du cœur, avec un risque d’endocardite infectieuse, rare mais très grave, est connu depuis plus de cent ans.

On sait également qu’il existe des corrélations entre maladies cardio-vasculaires et maladie parodontale, avec un risque 1,3 fois plus élevé de maladie cardio-vasculaire chez les sujets atteints de parodontite. Et des études ont montré chez l’animal que l’injection dans le sang de Pseudomonas, des bactéries très impliquées dans la maladie parodontale, favorise la formation de plaques d’athérome. Pour certains chercheurs, ce lien entre maladie parodontale et athérosclérose est désormais établi avec un haut niveau de preuves.

« On a démontré qu’une bonne prise en charge de la maladie parodontale chez le diabétique favorise un meilleur équilibre glycémique »

Pr Bonnaure-Mallet

Autre fait bien connu, le diabète prédispose à la maladie parodontale. Les sujets diabétiques doivent donc être suivis de près sur le plan dentaire pour éviter qu’ils ne perdent leurs dents précocement. «C’est une relation à double sens: le diabète favorise la maladie parodontale et la maladie parodontale aggrave le diabète. On a démontré qu’une bonne prise en charge de la maladie parodontale chez le diabétique favorise un meilleur équilibre glycémique», souligne le Pr Bonnaure-Mallet.

Un travail récent publié par son équipe montre, par ailleurs, que l’hémochromatose, maladie génétique de surcharge en fer, favorise la maladie parodontale. «Il semble également qu’améliorer l’état dentaire ait une incidence positive dans certaines pathologies inflammatoires comme la polyarthrite rhumatoïde et les Mici», précise le Pr Lescaille.

À l’inverse, un bilan dentaire et une remise en état de la bouche sont indispensables avant toute chirurgie cardiaque lourde. «C’est aussi le cas en oncologie, avant toute chimiothérapie, car ces traitements ont un effet immunosuppresseur global, indique-t-elle. L’idéal serait un examen odontologique systématique dans toute maladie chronique grave, pour remettre aussi la bouche en état.»

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